Didier Saimpaul : Le nombre de luthiers pour harpe, qu’ils soient amateurs ou professionnels, a considérablement augmenté ces dernières années. Cela se traduit par un intérêt croissant pour l’apprentissage du dessin artistique et technique. Au cours du festival, Sylvestre Charbin anime un atelier de construction de harpes au cours duquel les stagiaires utilisent des plans déjà établis. Dans mon atelier, les stagiaires apprennent à dessiner de tels plans. En seulement trois heures de temps, on peut déjà comprendre l'essentiel, et chacun repart avec son plan pour fabriquer une harpe.
Je me base sur l’ouvrage de Jeremy Brown, Folk Harp Design and Construction, ouvrage que j’ai traduit en français sous le titre Concevoir et Construire les Harpes Celtiques. La méthode est simple : commencer par tracer le profil de la harpe sur une planche à dessiner ; reporter la courbe harmonique – c’est-à-dire les longueurs de cordes – selon les notes voulues en fonction du type de cordes ; puis dessiner « l’habillage » de l’instrument. Il s’agit bien de partir des cordes pour dessiner le reste de l’instrument et non l’inverse, contrairement à ce que l’on pourrait croire.
Une fois la structure terminée, et pour peu que certaines règles de bases soient respectées, tout est possible ; laissant la liberté à chacun d’exprimer sa créativité. Si l’espacement des cordes est défini au préalable sur la planche, beaucoup reste à faire : quel angle donner entre le plan des cordes et celui de la table d’harmonie (de 25° à 40°) ? Quel pourcentage de tension faut-il appliquer à chaque corde ? Comment placer les sillets et les chevilles ? Sachant qu’elle doit supporter la tension des cordes (entre 200 et 300kg pour une harpe de 22 cordes et entre 600 et 800kg pour une harpe de 36 cordes), quelle forme donner à la console ? Quel espace faut-il prévoir sur cette console pour y placer les palettes de demi-tons ? Tout en gardant à l’esprit qu’une forme de caisse se rétrécissant de bas en haut donnera plus de volume sonore aux basses (la plupart des harpes sont construites ainsi), là où une caisse étroite et droite donnera un son moins profond et nasillard ; quelle forme donner à cette caisse ? Ensuite, vient le pilier reliant la console à la base de l’instrument : sa forme peut varier de droit (harpe à pédales, harpes paraguayennes), à la courbure caractéristique des harpes celtiques, etc., etc. ; les étapes ne manquent pas ! Le but de mon atelier est d’aider les personnes au tout début de la conception d’une harpe.
La lutherie est ma passion. Suite à la traduction du livre de Jeremy Brown, j’ai créé un blog intitulé harpomania dans lequel je publie des articles sur la construction de harpes. Dans les années 80, François Hascoët et son équipe publiaient Telennourien Vreizh, puis il y a eu Le Journal de la Harpe. Cela montre bien l’intérêt du public pour lire ce genre de publications. Mais l’édition papier est très chère, c’est la raison pour laquelle Telenn din – le bulletin de La Maison de la harpe – est publié en ligne. C’est en découvrant un logiciel pour créer un magazine que l’idée fait son chemin dans ma tête. Après en avoir parlé à Stephan Lemoigne – harpiste et luthier amateur depuis les années 70 – nous nous lançons dans l’aventure. Le premier numéro de Harpes Mag’ est ainsi sorti au début de l’année dernière et a touché plus de 1500 personnes.
Depuis, nous avons publié des articles de toutes sortes sur les harpes folk : sur la lutherie, sur l’histoire de l’instrument (comme l’article sur la Lyre d’Ur publié également sur ce blog), l’iconographie, sans oublier les musiciens, leur actualité discographique et même des partitions. La littérature m’intéresse beaucoup ; j’aimerais développer une partie harpe et poésie dans le magazine. J'ai été quelques temps professeur de lettres, on ne se refait pas ! Le journal est ouvert à tous ceux qui souhaitent y participer, appel à candidatures !