Chauffage au feu de bois, des matelas posés à même le sol, une seule douche pour toute la communauté, on en oublie presque qu’il n’y a pas de Wifi dans les locaux de l’école Steiner de Solvik, petite commune des faubourgs de Järna, au Sud de Stockholm. C’est dans un décor saisissant dans ses formes – on se croirait dans un film de Tim Burton – que se retrouve la cinquantaine de passionnés des instruments à cordes nordiques, pour un week-end rallongé.
Et comme dans un film de Tim Burton, les horloges s’arrêtent, le temps pour chacun de trouver quelque chose. Nos origines peut-être ? Andy Lowings (Lyre d’Ur) et Bo Lawergren (harpes angulaires) font revivre les instruments antiques ; Marit Steinsrud et Stein Villa nous décrivent le Langeleik norvégien ; Kate Fletcher et Corwen Broch partagent un fond musical traditionnel anglais quasiment oublié aujourd’hui. Le temps peut-être de faire la paix avec notre corps à travers une séance de physiothérapie avec Lise Enochsson ; de harpe-thérapie avec Anouk Platenkamp ou par la thérapie musicale prénatale avec Mark Harmer ? Le temps de trouver des musiques nouvelles ou lointaines ; des techniques anciennes ou modernes ?
Le script d’un film simple imposerait que les rôles des acteurs soient clairement définis. Mais la réalité est ici bien différente. Derrière chaque participant se cachent des trésors de connaissances d’où cette confusion où, du rôle d’enseignant le temps d’un atelier, on passe au rôle d’apprenant dans un autre. Le tempo est vif mais il y a tant à raconter en si peu de jours : conférences, stages, concerts, allspel (session)… tout cela doit tenir en seulement trois jours.
Quelle étrange symphonie que vont jouer ensemble ces harpes (déclinées celtiques, nordiques, d’inspiration ancienne ou moderne), ces lyres (pentatoniques ou chromatiques), ces guitares, langspils et autres instruments dont on en ignore parfois jusqu’au nom. Le morceau semble improvisé mais, comme dans toute bonne improvisation, elle est préparée. Cette année Erik Ask-Upmark tient le rôle du chef d’orchestre ou, plutôt, de l’homme orchestre car il est harpeur, sonneur, chanteur, pianiste, organisateur, que sais-je encore ?
Et, comme dans toutes les traditions, la musique appelle à la danse. À ce jeu, chacun se fait l’ambassadeur d’une autre culture : les tchèques Josef Berger et Mikuláš Bryan rapportent de leurs voyages quelques danses collectées en pays Breton, tandis que le breton Vincent Michaud et la russe Katja Nyuppieva démontrent leur talents en step dancing. Sur les pas de danses islandaises Vikivaki (ou Sagnadans) conduites par Bára Grímsdóttir, Chris Foster pousse la ballade anglaise. Le tempo s’accélère et il nous faut vite nous habituer à cette diversité partagée. Entre deux polskas, on se surprend à danser une valse jouée sur le piano bastringue de l’école. Et que celui qui pense qu’avec seulement cinq cordes le kantele est limité, écoute la surprenante sonorité électro que l’on peut en sortir une fois l’instrument amplifié.
Malgré la fatigue certaine accumulée au fil des jours, la liesse ne faiblit pas. Juhanni, notre excellent chef cuisinier, prépare les repas nous donnant l’énergie nécessaire tandis que l’on entame la chansonnette tout en faisant la vaisselle. Personne ne se plaint de l’absence d’alcool au sein de l’école au profit d’un fika proprement suédois (gâteaux, cafés, thés et autre jus de fruits) servi jusqu’à tard dans la soirée par les élèves de l’école pour recueillir des fonds pour financer leurs projets scolaires. Comme les instruments présents, tout semble s’accorder.
Après un dernier partage musical, les Rencontres de Järna se sont refermées sur les terribles senteurs planantes de surströmming. Chacun est retourné chez-soi, quelque part dans le monde, un monde plus vaste et pourtant plus familier à présent. Et tous se sont donné rendez-vous l’année prochaine pour les prochaines Rencontres à Gjøvik, en Norvège.